Lettre d’information N°10

De la pierre à l’herbe, des cimetières en mutation

Nombre de communes de notre département ont connu, à la fin du XIXe siècle, la translation de leur cimetière aux portes de la ville. Puis, un siècle plus tard,rattrapé par l’agglomération et ses infrastructures, le cimetière devenu trop exigu n’a pu s’étendre. De nouvelles nécropoles sont apparues sous la forme de parcs ouverts et paysagers, réintégrant la mort à la nature mais éloignant encore l’espace des morts de celui des vivants et faisant évoluer la fonction
symbolique du cimetière. « Celui-ci n’est plus un lieu de mémoire active, c’est à dire investi quotidiennement par des pratiques rituelles commémoratives telles qu’elles étaient dictées jadis par la religion des tombeaux. »(1)

Pourtant, dans l’histoire, ce mouvement d’éloignement des cimetières n’a pas manqué de provoquer l’indignation. On se souvient du mouvement de protestation soulevé par la proposition du baron Haussmann, en 1881, de détruire les cimetières parisiens intra-muros pour libérer de l’espace constructible en créant à Méry-sur-Oise, à vingt-cinq kilomètres de Paris, une immense nécropole qu’aurait desservi une voie de chemin de fer dédiée. La résistance provoqua le retrait du projet et les cimetières parisiens font désormais partie
du patrimoine de la ville.

Au même titre que l’école, l’église, le temple… le cimetière a en effet longtemps constitué un élément essentiel à « l’agrégation des familles et des municipalités »(2). Qu’en est-il de nos jours, alors que se dispersent les familles et qu’on prétend disparu le sentiment d’appartenance à la communauté villageoise ? Il semble, en fait, qu’on assiste à un double mouvement, apparemment contradictoire mais qui, au fond, conforte le thème de l’agrégation développé par Philippe Ariès et l’abandon de « la religion des tombeaux » précédemment évoquée.

D’une part, des concessions nombreuses arrivées à échéance ne sont pas renouvelées par les descendants, semblant signifier leur désintérêt pour l’espace concédé à leurs ancêtres morts. D’autre part, des demandes de concessions formulées au prétexte d’une implantation familiale historique dans la commune.
Ne faut-il pas y voir le signe d’un attachement des vivants à l’espace symbolique et communautaire des morts plus que le désir de possession du sol par transmission de propriété ?
C’est en tous cas ce que semble confirmer le développement rapide du phénomène  d’incinération qui conduit les communes, en application de la loi du 19 décembre 2008, à aménager au sein de leurs cimetières, des columbariums et des jardins du souvenir pour accueillir les cendres des défunts.

« Ici, la commémoration s’est convertie en un songe collectif d’accumulation
qui, en marge de la mémoire sociale, confère à nos morts une nouvelle forme
d’immortalité. »(3)

Claude NAUD
Conseiller général – Président du CAUE

(1) et (3) In « L’Archipel des morts » de Jean-Didier Urbain, éditions Payot, 2005
(2) In « Essais sur l’histoire de la mort en Occident » de Philippe Ariès, éditions du Seuil, 1975.

infos pratiques

Date : Mai 2011.
Conception et réalisation : CAUE 44
Crédit photo : CAUE 44 (sauf mention contraire)
Format : 21×42 cm, 20 pages couleur.
ISSN : 1637-4452

> Télécharger cet ouvrage au format PDF

Sommaire

  • Les cimetières et la ville : de l’architecture au paysage
  • Un patrimoine funéraire
  • Architecture, sculpture et paysage
  • À Bouguenais, le cimetière paysager du Moulin Laheux et sa salle omniculte
  • Promenade dans le cimetière de Mariebjerg (Danemark)
  • Dans l’esprit des cimetières nordiques, le cimetière-parc de Nantes
  • Concevoir un cimetière paysager
  • Le nouveau cimetière Beausoleil aux Sorinières
  • L’arbre dans le cimetière
  • À Pornichet, des cimetières sans désherbant
  • Bibliographie
  • Regard sur : Quelques tombeaux d’architectes
  • Actualité du CAUE

Mots-clés : cimetière paysage